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  • 13.03.2024

Soutenir l’inclusion, la formation et la lutte contre la pauvreté dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville grâce au FSE+

En 2018, les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), représentent 1 514 quartiers en France, répartis sur 859 communes. Ils accueillent près de 5,4 millions d’habitants, soit 8% de la population française, dont 42% sont touchés par la pauvreté.

Ces quartiers bénéficient en France de la politique de la ville et sont caractérisés par un écart de développement économique et social important avec le reste des agglomérations dans lesquels ils se situent. Le chômage y est près de 3 fois supérieur à la moyenne nationale, la population y est jeune (40% de moins de 25 ans), et peu qualifiée : sur les 15-29 ans, 29% ne sont ni en emploi, ni en études ou en formation (NEET)¹. 

Pour répondre à ces problématiques, le fonds social européen accorde une attention particulière aux habitants des QPV. 

1.    L’appui du FSE : un accompagnement au plus près des besoins des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville 

Au cours de la programmation 2014-2020, le Programme opérationnel national FSE (PON FSE) géré par l’Etat a adopté une approche transversale de soutien aux habitants des quartiers prioritaires, qui faisaient partie des groupes cibles de plusieurs de ces priorités d’investissement. Le PON FSE a ainsi soutenu de nombreuses initiatives visant notamment à accompagner les demandeurs d’emploi, prévenir le décrochage scolaire ou encore soutenir la création d’entreprises dans les quartiers prioritaires. Le PON FSE a ainsi dépassé son objectif initial de 10% de bénéficiaires issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville, puisque plus de 20% des participants aux actions soutenues par le PON FSE étaient issus de ces quartiers². 

Adapter l’accompagnement des demandeurs d’emploi aux spécificités des territoires grâce au FSE

Dans le cadre des « dispositifs territoriaux d’accompagnement » (DTA) mis en place par France Travail et cofinancés par le PON FSE 2014-2020, des actions spécifiques ont été proposées localement en faveur de demandeurs d’emploi résidant en QPV. Elles concernent 10 régions mobilisant 80 conseillers, ayant pour cible l’accompagnement de 10 000 demandeurs d’emploi. L’objectif est notamment de favoriser le retour à l’emploi des habitants des QPV, la mixité et l’égalité professionnelle. 
 
A titre d’exemple, deux conseillères France Travail sont mobilisées à Limoges dans le cadre d’un DTA couvrant les 9 QPV de la ville visant à accompagner de manière individuelle et collective les habitants dans leur recherche d’emploi et à venir en appui aux partenaires et acteurs de ces territoires. Les bénéficiaires sont identifiés par leur conseiller France Travail et par des partenaires de terrain (médiateurs de quartier, adultes relais, etc.) qui les redirigent vers le dispositif. L’accompagnement fourni se déroule sur trois mois et comprend plusieurs activités :

 
- accompagnement individuel : entretiens, identification des besoins et des envies des bénéficiaires, identification des aptitudes des candidats, promotion de profils ;
- accompagnement collectif : préparation à des entretiens professionnels, pitch de profils, visites d’entreprises, mises en situation et job dating. 


Les activités se déroulent à la fois dans les QPV mais aussi dans d’autres lieux tels que des entreprises pour favoriser le désenclavement et l’inclusion des habitants. En août 2023, le dispositif présentait un taux de retour à l’emploi de 45% et de 11% en formation soit 52 % de sorties positives. Pour l’année 2024, l’objectif est de renforcer la visibilité et l’identification du dispositif, d’engager les entreprises dans les actions menées et de poursuivre des actions en synergie avec les structures locales travaillant dans le champ de l’emploi et de l’insertion.

Pour la période 2021-2027, le programme national FSE+ « Emploi, Inclusion, Jeunesse et Compétences » continue à cibler les groupes sociaux les plus défavorisés, dont les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville.  La priorité 1 de ce programme, dédiée à l’insertion professionnelle et l’inclusion sociale, et la priorité 2, qui cible l’insertion professionnelle des jeunes, seront plus particulièrement mobilisées en faveur des personnes résidant dans les QPV.  La DGEFP a mis en place un indicateur relatif aux participants résidants dans les QPV et accompagnés dans le cadre de la priorité 1 afin de permettre un suivi de ces participants. De même, le plan d’évaluation du programme national FSE+ prévoit une question évaluative sur la coordination des acteurs dans ces quartiers³. 

Equip’Emploi : un dispositif au plus près des besoins des habitants des quartiers prioritaires de la ville

Lancé en avril 2021 par France Travail, le dispositif Equip’Emploi a été déployé dans les agences dont la proportion de demandeurs d’emploi en fin de mois résidant en QPV était supérieure à 35%, soit 65 au total dans l’Hexagone et dans les Outre-mer. Financé par le programme national FSE+, ce dispositif d’une durée de 12 mois, destiné aux publics les plus vulnérables, mobilise 1 000 conseillers permettant une plus grande proximité et réactivité avec les publics à la recherche d’un emploi. 


Le dispositif Equip’Emploi de l’agence France Travail Genevoix, à Paris


L’agence France Travail regroupant 3 quartiers du 18ème arrondissement de Paris est la seule du département à mettre en œuvre le dispositif Equip’Emploi. Sur l’ensemble du département, 10% des habitants vivent en QPV tandis qu’ils sont 58% dans l’Est du 18ème arrondissement de Paris. 
Dans l’agence, le dispositif mobilise 14 conseillers à l’année, pour l’accompagnement d’environ 1 100 personnes en flux continu. Avec 4 663 personnes accompagnées chaque année (tous dispositifs confondus), Equip’Emploi représente un quart des accompagnements de l’agence. Lors des 12 mois de suivi, les bénéficiaires participent à plusieurs activités :

- Un entretien d’intégration, avec un diagnostic de leur situation initiale et l’identification de leurs besoins, 
- La participation à des ateliers toute l’année (par exemple, sur les techniques de recherche d’emploi…) et des entretiens hebdomadaires avec un conseiller,   
- Des rencontres avec des entreprises ou associations partenaires de l’agence, pour préparer un retour à l’emploi (travail sur l’image professionnelle des candidats, simulation d’entretiens…). 

Pour assurer cette dernière activité, l’agence a signé des chartes d’engagement avec plusieurs partenaires locaux, entreprises et associations comme « Entourage », par exemple.L’association Entourage lutte contre la précarité et l’exclusion et contribue à l’organisation de coachings entre personnes sans emplois et professionnels retraités, dans différents domaines.

Les bénéficiaires de l’agence sont confrontés à certaines difficultés récurrentes liées à la maîtrise linguistique ou encore à l’usage des outils digitaux. En 2023 pour parfaire son accompagnement, l’agence Genevoix a créé des portefeuilles Equip’Emploi dédiés à des publics cibles précis (bénéficiaires du RSA, jeunes) et a développé des partenariats avec des associations et entreprises travaillant spécifiquement avec et pour ces publics (association Synergie Family pour des activités de mentorat, la cravate solidaire pour la préparation aux entretiens professionnels…).

Cette dernière année, l’agence a eu 50% de sorties positives (reprise d’emploi ou formation longue) intervenant avant la fin des 12 mois d’accompagnement. 
 

Une poursuite de l’action en faveur des jeunes : l’accès à la formation et l’emploi pour les jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville 

40% des habitants des quartiers prioritaires ont moins de 25 ans. Chez les jeunes actifs de moins de 30 ans, le taux de chômage est de 30,4 %, deux fois plus que dans les autres quartiers⁴. Le FSE+ soutient l’amélioration de l’accès à l’emploi des jeunes et l’égalité d’accès et le suivi jusqu’à son terme d’un parcours d’éducation ou de formation inclusive et de qualité, en particulier pour les groupes défavorisés⁵, dont les habitants des quartiers prioritaires font partie. De plus, si les chiffres du décrochage scolaire ont diminué en France (8,2% en 2019 contre 12,6 en 2010), les inégalités demeurent et les jeunes en situation de handicap, bénéficiant de l’aide sociale à l’enfance ou encore résidant en quartiers prioritaires sont davantage concernés par ce phénomène.  

Un appel à projets pour l’accompagnement renforcé vers l’emploi des jeunes des QPV en Hauts-de-France

Dans le cadre du programme national FSE+, la DREETS⁶ Hauts-de-France a lancé en 2023 un appel à projets, doté de 4 millions d’euros sur le « Renforcement des parcours d’accompagnement des jeunes vivant dans les QPV ». Cet appel à projets visait à financer des actions de repérage et d’accompagnement vers l’emploi des jeunes des quartiers prioritaires, en les accompagnant vers la conclusion de Contrats d’Engagement Jeunes (CEJ) et en aval d’un dispositif de ce type, en les accompagnant vers l’emploi. Le projet « Je m’active pour un emploi » à Château-Thierry a notamment été retenu dans le cadre de cet appel à projets.

Il s’adresse aux moins de 26 ans et aux jeunes en situation de handicap âgés de 30 ans maximum, sans emploi, et vivant dans les QPV de Vaucrises et Blanchard. L’initiative a pour objectif de repérer les jeunes de ces quartiers avec une approche « aller vers », de leur proposer un accompagnement vers un CEJ et de favoriser leur mise à l’emploi grâce à un parcours intensif de recherche d’emploi et de suivi dans l’emploi durant 6 mois.

2. L’action européenne : un complément aux politiques des États membres pour les quartiers urbains défavorisés 

Un soutien à la mise en œuvre des priorités de l’Agenda Urbain Européen 

Le développement urbain est un enjeu majeur de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union européenne. Aujourd’hui, les politiques urbaines européennes, telle que l’initiative urbaine européenne (IUE), s’inscrivent dans les priorités de l’Agenda urbain européen. Ce dernier a été lancé en 2015 à l’initiative de la Commission européenne, des États membres de l’UE et des villes afin de faire face aux enjeux de développement urbain. À travers son partenariat dédié à la pauvreté urbaine, l’Agenda vise notamment à « réduire la pauvreté et améliorer l’inclusion des personnes touchées ou menacées par la pauvreté dans les quartiers défavorisés »⁷ . Ces quartiers sont ainsi identifiés comme territoires cibles pour les actions de la politique urbaine européenne. 

Une réponse aux enjeux rencontrés par les quartiers défavorisés en Europe grâce au FSE+  

En Europe, la manière de prendre en compte les quartiers défavorisés diffère selon les pays. En Allemagne, comme en France, ces quartiers sont couverts par des politiques nationales qui encadrent les mesures prises localement tandis qu’en Italie par exemple les politiques visant les quartiers défavorisés sont définies au niveau de chaque municipalité. Malgré des différences dans la mise en œuvre de ces politiques, le FSE puis le FSE+ viennent appuyer et compléter ces approches avec pour objectifs de faciliter l’accès aux infrastructures et services de base ainsi que de favoriser la réinsertion et l’inclusion des personnes vivant dans ces quartiers. 

En Italie, le programme national « Metropolitan cities 2014-2020 », co-financé par le FSE, soutient un ensemble d’actions visant à renforcer le développement et la cohésion dans l’espace urbain. Ce programme est mis en œuvre dans 14 aires métropolitaines italiennes et a été conçu en cohérence avec les axes de l’Agenda Urbain Européen.
 

Un ciblage sur l’accès au logement et l’intégration des publics à Bologne (Italie)

À Bologne, deux types d’actions sont ciblées par le programme dans le cadre d’un axe « inclusion sociale » dédié aux quartiers défavorisés de la ville :

- Des actions pour améliorer les conditions et l’accès au logement : le programme a par exemple permis de créer une Agence de logement social, qui sert d’intermédiaire entre les propriétaires privés (avec des garanties de paiement) et des personnes en difficulté d’accès au logement. 1,9 million d’euros a été dédié aux actions sur le logement sur 6 ans . 
- Des actions d’animation culturelle et territoriale : par exemple, un soutien aux jeunes en situation d’exclusion via un système d’éducation par les pairs et des ateliers auprès de groupes défavorisés (1,2 million d’euros sur 5 ans) ou encore un appui aux jeunes en difficultés, notamment les personnes LGBT ou migrants en situation d’exclusion avec des événements, des ateliers ou encore le montage de start-up coconstruites avec ces publics (465 000 euros pour 4 ans) . 
 

En Allemagne, la politique urbaine s’est construite sur la notion de « Soziale Stadt » ou « ville sociale », visant spécifiquement les quartiers défavorisés. Le programme fédéral « BIWAQ »  cible ces quartiers et est cofinancé par le FSE depuis 2008. Au cours de la programmation 2014-2020, il a permis de financer plus de 122 projets à l’échelle nationale.

Favoriser le retour à l’emploi via le numérique avec le projet « NetzPart »

L’objectif du projet NetzPart (2019-2022) est d’améliorer l’intégration des chômeurs sur le marché du travail, grâce à un travail sur la proximité de l’emploi et des mesures de qualifications professionnelles, soutenues par l’outil digital. Le projet possède : 

- une dimension qualifiante, avec l’acquisition de compétences dans le domaine digital, grâce à la création d’un centre d’apprentissage numérique ouvert à tous. Les participants bénéficient également de formations (langues, comptabilité…) reposant sur l’utilisation des outils digitaux (outils en ligne pour l’apprentissage des langues, outils de comptabilité et outils bureautiques…) et sur des mises en situation (entretiens, formalisation de dossiers de candidatures…) avec des employeurs locaux.
- une dimension sociale : le projet suit une logique de proximité avec les habitants via la mise en place d’un « portail numérique de quartier », par exemple, et des points de contacts locaux physiques pour conseiller les habitants sur leur orientation professionnelle. Un service de garde d’enfants ou encore des services de « remise à niveau » sont également disponibles pour briser les barrières à l’entrée et éviter la censure de la part des habitants. 
 

Face aux inégalités et difficultés auxquelles sont confrontés les quartiers prioritaires de la politique de la ville, le FSE+ apparaît donc comme un levier pour favoriser l’intégration des habitants de ces quartiers. Le fonds est également un outil pour poursuivre des actions déjà engagées à l’échelle de chaque État membre, en faveur des aires urbaines désavantagées. 

¹Insee, « Quartiers prioritaires de la politique de la ville », en ligne, 2023

²Rapport, Évaluation de l’impact du programme national FSE sur la lutte contre la pauvreté et la promotion de l’inclusion (axe 3), 2019, DGEFP

³Plan d’évaluation des programmes nationaux FSE+ et FTJ validé par le CNS du 13 novembre 2023

⁴« Rapport 2021 », Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), décembre 2022.

⁵Objectifs spécifiques A et F du programme national FSE+ 

⁶Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités 

⁷Plan d’action définitif, Partenariat sur la pauvreté urbaine, 2018